Mykalle Bielinski
PRÉSENCE
Troisième volet d’une trilogie sur le sacré, Présence est un voyage sensoriel qui explore les multiples aspects de la notion de présence : la présence à soi, à l’autre, au monde, mais aussi celle ressentie dans les lieux naturels et historiques et par extension, celle qu’on associe à Dieu. Alors que l’opéra immersif Gloria illustrait une quête de transcendance et que Myths from the inside/Mythologies intimes, présentement en création, porte sur la filiation humaine à-travers les âges, Présence s’intéresse au rapport spirituel de l’homme avec la nature et l’au-delà. Inspiré par les ermites politiques tels que Henry David Thoreau, mais aussi par les moines, les retraites spirituelles et les écrivains voyageurs comme Sylvain Tesson, le projet s’intéresse aux conditions propices à l’éveil. Il opère dans un premier temps, une déconnexion spatiotemporelle avec l’extérieur pour rapprocher le spectateur du soi intime. Il questionne ensuite le concept au sens poétique et spirituel comme l’évoque Bernard Émond dans son essai Il y a trop d’images en réponse au sentiment de Pierre Vadeboncoeur de n’être pas seul :
« [La présence] est dans la lumière du matin, dans les silences, dans les chemins de campagnes déserts, dans la rivière sauvage, dans les pains que défourne le boulanger, dans cette sonate de Beethoven qu’il écoute, dans l’église de Normétal et dans son curé qui doute. »
Le projet s’inspire aussi du livre La mélodie des choses de Rainer Maria Rilke, qui atteste qu’une musique silencieuse émane du monde. Dévoiler ce qui pourrait être une mélodie de l’arrière- fond, est une des aspirations du projet.
Méditation guidée à-travers une série d’espaces évocateurs, Présence est une installation immersive déambulatoire : alors qu’il assistait aux deux précédents spectacles de l’artiste, le spectateur ici se déplace au sein d’un dispositif qui mise sur l’isolement et le silence pour réveiller les sens. Par l’application des principes de la présence attentive, mieux connue sous le nom de mindfulness par les adeptes de la méditation bouddhiste, il est appelé à faire l’écoute de son intériorité. Sa marche l’invite à se comporter aux antipodes de ce que la société exige – se concentrer, faire le vide, soutenir l’attention, faire silence, rester seul, observer longtemps, absorber en profondeur, diminuer sa réactivité – de sorte qu’il vive le temps et l’espace autrement. Chaque pièce est une halte mystérieuse dans ce dédale de petites salles habitées.
À une époque où la qualité du lien qui unit le soi à la nature, voire au cosmos, se trouve de plus en plus troublée, ce projet veut nous rappeler notre rapport affectif au monde, en commençant par la découverte de sa vie intérieure. Il se positionne comme un plaidoyer pour la simplicité, le dépouillement et d’un point de vue plus politique, pour la décroissance. Réflexion sur le ralentissement, il aspire enfin, comme le fait la méditation, à nous sortir de notre conditionnement au surmenage, au consumérisme et à la satisfaction immédiate de tout désir.
En résidence chez Recto-Verso du 12 au 18 mars 2018
Photos : S.Caron